Étanchéité à l’air et ventilation

Journal de bord n° 6 - Étanchéité à l’air et ventilation

Journal de bord n°6 – Mai 2021

Les bâtiments anciens (construits avant 1948) sont connus pour leur grande perméabilité à l’air, qui accompagne le fonctionnement hydrique évoqué lors du précédent Journal de bord. Cette perméabilité permet d’évacuer l’air vicié et chargé d’humidité et de le remplacer par de l’air neuf. Elle contribue à ce que le bâtiment reste sain. 

Aujourd’hui, cette logique de fonctionnement s’oppose à la conception contemporaine qui vise au contraire à créer des bâtiments de plus en plus étanches à l’air. Le but est de limiter les déperditions grâce à l’accentuation du contrôle des flux d’air entrants et sortants. Si cette logique fonctionne très bien pour les bâtiments neufs, nous verrons qu’elle doit s’appliquer avec précaution dans le cas des bâtiments anciens, afin de respecter leur perspirance et leur fonctionnement dynamique.  Toutes les informations de cette entrée du Journal de bord seront à retrouver dans le guide « Adapter le bâti ancien aux enjeux climatiques »

Déperditions et inconfort, l’étanchéité à l’air avant la rénovation

a) De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque les problématiques d’étanchéité à l’air ?

Tout bâtiment est soumis à une différence de pression entre son air intérieur et l’air extérieur. C’est un phénomène naturel, qui peut être amplifié par des équipements (comme la VMC, les hottes de cuisine, les poêles de chauffage sans arrivée d’air, etc.). Imperceptible à l’échelle humaine, cette différence de pression va générer une circulation de l’air ; soit par infiltration (l’air extérieur entre), soit par exfiltration d’air (l’air intérieur sort). 

Ces mouvements d’air impactent alors directement le confort des habitants au sein de leur logement : 

  • Déperdition de chauffage conséquente et augmentation de la facture énergétique.
  • Inconfort thermique (ressenti de courant d’air froid), et sonore (bruit des infiltrations d’air, bruit parasite induit par une pose incorrecte des équipements). 
  • Apparition de désordres, qui vont de la présence de salissures (air chargé en pollutions et en poussières) à l’apparition de moisissures. 

Dans le cadre de la prévention de l’apparition des désordres, les problématiques de l’étanchéité à l’air et l’humidité sont liées. En effet, lorsque le plan d’étanchéité à l’air est réalisé par un système frein-vapeur, les moindres irrégularités ou percements du plan concentrent les problèmes (entrée d’air, point froid, etc.) et augmentent les risques d’apparition de désordres (condensation, infiltration, etc.).

Pour en savoir plus : 

La fiche F.01 « Défauts d’étanchéité à l’air » : https://qualiteconstruction.com/fiche/defauts-detancheite-a-lair/

 b) Les bonnes pratiques 

Lors de travaux de rénovation, même les plus légers, il est nécessaire d’accorder une attention particulière à la question de l’étanchéité à l’air. Aucun travail de rénovation, en particulier dans le cas d’une approche globale, ne peut se faire sans une réflexion sur le plan de l’étanchéité à l’air, et par extension, sur le système de ventilation qui sera mis en place. 

La gestion des interfaces entre les différents corps d’état et les différents lots (menuiserie, isolation, ventilation, charpente) est essentielle. Tout au long des études et du chantier, il est nécessaire d’identifier les points sensibles et de prévoir leur traitement. 

Des précautions systématiques s’appliquent en particulier lors de certains travaux : 

  • Remplacement des menuiseries :
    Aucun remplacement de menuiseries ne peut avoir lieu sans la mise en place simultanée d’un nouveau système de ventilation. En effet, les nouvelles menuiseries, très étanches, ne permettent plus la circulation d’air et l’évacuation de l’humidité, ce qui peut créer des moisissures et/ou un pourrissement. 
     
  • Mise en place d’une isolation avec un frein-vapeur (hygroréglable) continu :
    Le frein-vapeur agit comme un plan d’étanchéité à l’air. Il est donc important de s’assurer de sa continuité (jointure des lés de frein-vapeur, traitement des points singuliers, etc.) pour éviter la création de défauts d’étanchéité. Des précautions s’appliquent pour éviter tout percement de cette membrane : création d’un vide technique, pose correcte de ruban adhésif. À noter qu’il existe d’autres matériaux qui peuvent remplir cette fonction de plan d’étanchéité comme des panneaux OSB, de l’enduit, etc.
     
  • Percements pour sorties de toiture ou gaines :
    Tous les éléments qui vont percer l’enveloppe doivent faire l’objet d’un traitement pour s’assurer de la continuité de l’étanchéité à l’air. 

La mise en œuvre est spécifique et demande une superposition des lés de frein-vapeur et une fixation précise avec un ruban adhésif adapté. Le traitement des passages de gaines est réalisé avec des œillets en caoutchouc ou du ruban adhésif. 

  • Continuité du plan étanchéité avec les interfaces :     

Les parties inférieures et supérieures doivent être traitées en cohérence avec les travaux prévus en sol et plafond et sont souvent collées avec un mastic spécifique. La jointure d’un lé peut également être réalisée sur un mur maçonné avec un enduit. Un cas courant de ce type de raccord entre différents matériaux et corps d’état se rencontre sur une construction en pierre en paroi verticale et en charpente bois pour la toiture. Le plan d’étanchéité à l’air est réalisé, par exemple, par un enduit intérieur ou extérieur avant la pose de l’isolant en mur, et par une membrane pare-vapeur en plafond. Celle-ci est donc à liaisonner avec l’enduit. Selon l’ordre d’intervention des entreprises, on pourra dans le cas d'un enduit intérieur :

  • Positionner un adhésif sur la membrane, dont une partie comporte une grille (ou trame) afin d’y accrocher l’enduit ; 
     
  • Si l’enduit est réalisé, utiliser des produits de collage en cartouche ou une solution primaire et des bandes adhésives sur un enduit lissé. 

Le Pôle Énergie Bourgogne-Franche-Comté organise régulièrement des formations sur l’étanchéité à l’air, renseignez-vous ! 

Pour retrouver l’entrée du Journal de bord consacré au traitement de l’humidité c’est par là : https://www.ajena.org/bati-ancien/journal-de-bord/5-humidite-dans-bati-ancien-pathologies-diagnostic-et-traitement.htm 

Les désordres possibles d’une mauvaise étanchéité à l’air

Comme la gestion de l’humidité, la gestion de l’étanchéité à l’air est un enjeu majeur dans le cas de la rénovation du bâti ancien. Les deux problématiques sont distinctes, mais étroitement liées et doivent être abordées ensemble.

Lors de travaux de rénovation, nous avons souligné l’importance de la coordination des travaux, du traitement des points singuliers pour éviter l’apparition de désordres, et de la continuité du plan d’étanchéité à l’air. En cas de défauts dans la mise en œuvre, quels sont les désordres susceptibles d’apparaître ? Réponses d’Olivier Joffre. 

a) Pourquoi maîtriser les flux d’air parasites dans un programme de rénovation du bâti ancien ? 

O. J. : Les flux d’air parasites sont des flux d’air non maîtrisés entre un espace chaud et un espace froid. Cette notion de volume chaud/volume froid est fondamentale dans la conception d’un programme de rénovation du bâti ancien (positionnement des isolants, traversées de réseaux, rénovation ou remplacement de menuiseries et positionnement du pare-vapeur).

Réduire les besoins de chauffage.
Garantir la performance des isolants.
Éviter la charge en eau des structures.
Permettre le fonctionnement de la ventilation.

b) Quel est l’impact d’une mauvaise étanchéité à l’air sur les besoins de chauffage ? 

O. J. : Je résumerai ce chapitre à un constat quantitatif : la non-prise en compte de l’étanchéité à l’air peut impliquer un renouvellement d’air de l’ordre de 5 volumes par heure sous un vent de 30 km/h à comparer à une valeur de 2 volumes par heure pour un chantier de rénovation ayant bénéficié d’une démarche de gestion raisonnable de cette problématique. Ces valeurs sont des valeurs courantes et non extrêmes, mais pour autant, sur une maison de 150 m², nous parlons ici d’une différence de plus de 1 000 m3/h, sans exagérer les chiffres.

Une fente d’un millimètre dans un pare-vapeur sur 1 m² d’isolant fait diviser par 5 la performance d’un isolant. Concrètement, et pour donner une image qui parlera à la majorité des lecteurs, l’absence d’adhésif entre deux lés d’isolant avec pare-vapeur intégré, c’est diviser par cinq sa performance. Une épaisseur de 4 cm avec l’adhésif prévu dans les documents techniques est aussi isolante que 20 cm d’isolant sans adhésif.

c) Quel est l’impact des flux d’air sur l’enveloppe du bâti ? 

O. J. : Pour reprendre les chiffres évoqués ci-dessus, la non-prise en compte des flux d’air parasites sur une maison de 150 m² engendre un flux d’air supplémentaire de plus de 1000 m3/h sous un vent de 30 km/h. Il faut comprendre que nous sommes en présence d’un flux d’air chaud et humide qui va traverser les isolants et la structure composant les parois. Cette traversée s’accompagne d’une baisse de température et peut engendrer un phénomène de condensation à partir d’une certaine température et concentration de vapeur.

Sans vous abreuver de chiffres, mais pour une maison de 150 m², la quantité d’eau générée par condensation peut atteindre jusqu’à 800 g/m² de paroi/jour.

d) Comment agir pour garantir un bon fonctionnement de son bâti ? 

O. J. : Pour revenir sur le principe de balayage, l’idée d’une ventilation performante est d’extraire l’air vicié (air chaud, humide et pollué) des pièces humides (SDB, cuisine, buanderie et W.C.) et d’insuffler ou de créer un apport d’air par dépression dans les pièces dites sèches (chambres, séjour, etc.).

Si l’on reprend l’exemple d’une maison de 150 m², on peut imaginer un débit de ventilation de 250 m3/h. Le principe de balayage prévoit donc un flux d’air des pièces sèches vers les pièces humides de 250 m3/h. Vous comprendrez aisément que le flux d’air parasite supplémentaire de 1 000 m3/h va contrarier le principe de balayage. 

L’importance de définir méthode et objectif 

Il n’y a pas de méthode miracle comme dans le secteur de la construction neuve, mais les grands principes restent vrais :

a) Fixer un objectif

O. J. : Lorsque c’est techniquement réalisable, effectuer une mesure et une recherche de fuite permet de prévoir un gain — et aspect le plus important — cela permet surtout de localiser les principaux défauts et d’orienter le programme de travaux. Pour cela, il faut réaliser une recherche de fuite par enfumage du bien et mise en pression, vous pourrez alors identifier, localiser et hiérarchiser les défaillances les plus flagrantes.

b) Identifier le plan d’étanchéité

O. J. : Il est situé entre l’espace intérieur dit « zone chauffée » et la zone dite « froide ou non chauffée ». Cette démarche permet de positionner l’isolant et la barrière d’étanchéité à l’air de façon pertinente, cela permet également de définir le traitement des traversées de réseaux et de les limiter en déplaçant certains équipements (chauffage, tableau électrique, ventilation, etc.).

Cette phase permet la prise en compte dès la conception des choix de traitement et évite les dépassements budgétaires dus à des reprises ou des points complexes à traiter lors du chantier. Elle garantit également une meilleure performance (finale) qu’avec un traitement de l’étanchéité non anticipé. 

c) Identifier le matériau qui va assurer la fonction

O. J. : Que cette fonction soit assurée par une membrane indépendante ou par un enduit, il est important de la définir clairement et de communiquer cette information à l’ensemble des artisans afin de pouvoir gérer les interfaces métiers. Il est en effet impossible de garantir l’étanchéité à l’air et de protéger la barrière étanche des percements si celle-ci n’est pas clairement identifiée et exposée à tous les corps de métier au plus tôt dans le projet.

d) Assurer la continuité de la barrière étanche

O. J. : Si la barrière étanche est assurée par un enduit sur la maçonnerie, le menuisier doit avoir conscience que sa menuiserie devra être reliée de façon étanche avec cet enduit. Il faut donc gérer les interfaces métiers, cela passe également par le traitement de l’étanchéité des traversées de réseaux.

e) Réaliser des tests d’étanchéité à l’air 

Le programme et les phases de travaux doivent prendre en compte la réalisation de tests d’étanchéité à l’air intermédiaires et finaux. Après le test d’étanchéité final, il est encore possible de réaliser des reprises sur certains points, mais la majorité des endroits d’infiltration seront devenus inaccessibles, d’où l’intérêt d’un test intermédiaire afin d’optimiser les reprises d’étanchéité à l’air avant la fin des travaux et les finitions.

« Dans le cas de projets visant de bonnes performances thermiques, il est conseillé de réaliser deux tests d’étanchéité à l’air : un test intermédiaire et un test final. »

En conclusion

Dès lors que l’on intervient sur un bâtiment ancien, il est important d’anticiper la gestion de l’étanchéité à l’air. C’est un point central pour garantir un bâtiment sain, un fonctionnement correct du bâtiment ainsi qu’une performance thermique suffisante. 

Ces différentes interventions sur l’enveloppe peuvent avoir un coût supplémentaire sur un programme de travaux sans traitement de l’étanchéité à l’air. Mais les économies seront effectives sur les consommations du bâtiment avec une facture énergétique réduite pour toute la durée de vie du bâtiment. Et d’autre part, l’anticipation du traitement de l’étanchéité à l’air permet une estimation plus juste des interventions et donc de modérer les coûts.

L’atteinte d’une bonne performance passe finalement par la définition des objectifs et le choix d’une technique adaptée au bâtiment, aux matériaux existants et aux matériaux posés. Elle est également tributaire de la bonne coordination de tous les corps d’état (réalisation d’un carnet de croquis diffusé à tous les intervenants) et enfin d’une mise en œuvre soignée puis contrôlée par un test d’étanchéité. 

Pour aller plus loin : 

Pour les professionnels : 

Article écrit en collaboration avec Olivier Joffre, Mur-Tronic

1. Dans le cas du bâti ancien, nous évoquerons systématiquement la pose de frein-vapeur hygroréglable, qui permet de réguler les transferts d’humidité dans la paroi. Ces préconisations s’appliquent cependant aussi lors de la pose de pare-vapeur. - Retour