Surchauffe et confort d’été

Journal de bord n° 7 - Surchauffe et confort d’été

Journal de bord n°7 – Juin 2021

Depuis les crises successives du pétrole (1973 et 1979), qui ont vu naître les premières réglementations thermiques, la consommation d’énergie est liée aux besoins de chauffage en hiver. Aujourd’hui, les canicules et les vagues de chaleur interrogent notre confort d’été.

Face à cette problématique, le bâti ancien possède de nombreuses qualités. Une opération de rénovation doit être pensée pour les préserver, et éviter la pose de climatiseur, qui est contraire aux objectifs de sobriété.

Comment s’assurer d’une rénovation thermique pertinente et performante, qui préserve les qualités de notre patrimoine ? Comment parvenir à un confort d’été optimal dans le bâti ancien ?

Comprendre la surchauffe d’été

a) Les paramètres du confort

Pour bien comprendre le phénomène de surchauffe d’été dans les bâtiments des centres anciens, il est nécessaire de s’intéresser aux paramètres participant au confort.

Le confort est un élément subjectif, personnel et donc variable. Les paramètres thermiques qui le régissent sont : la température de l’air ambiant, la vitesse de l’air, l’hygrométrie, la température des parois, l’habillement, le niveau d’activité, etc. Tous les facteurs sont variables et impactent le ressenti des occupants.

b) Le réchauffement du bâtiment en été

Pourquoi un bâtiment est-il confortable en été ? L’enjeu, durant la période estivale, est de limiter le réchauffement de l’air intérieur.

  • Les apports de chaleur indirecte : transmission par les murs et les toitures (conductivité thermique).
  • Les apports de chaleur directs : l’air chaud entrant par les fenêtres ouvertes, le rayonnement solaire traversant le vitrage.
  • Les apports internes : suroccupation des locaux, appareils électriques, douche, cuisine.


Les sources d’augmentation de la température du logement sont multiples, pourtant, il est possible de s’en protéger en adoptant les bons gestes.

Premier levier, les gestes quotidiens

1 - Quelques bons réflexes pour le confort d'été

Adopter un comportement approprié en été afin de participer activement à son propre confort, en limitant le rayonnement solaire entrant, ou encore en évitant l’usage des appareils dissipant de la chaleur à l’intérieur de l’habitation. Ces comportements sont la base d’un logement confortable en été.

Deuxième levier, une rénovation intelligente :

a) Préserver l’inertie 

Si le bâti ancien possède bien une qualité principale, c’est son inertie. Les murs maçonnés, très épais, permettent de ralentir l’entrée de la chaleur dans le logement. C’est le « déphasage », c’est-à-dire le temps que met la chaleur à être diffusé est long.

La chaleur accumulée par une paroi durant la journée peut être évacuée durant la nuit, le mur redescend en température et joue à nouveau son rôle de barrière contre la chaleur dès le jour suivant.

Cette qualité intrinsèque est mise à mal lorsqu’on isole un mur. L’isolation par l’intérieur, supprime la conduction entre l’air intérieur et la paroi fraîche en ajoutant un matériau isolant. Il participe à conserver la chaleur à l’intérieur du logement au lieu de permettre sa diffusion. En été, il est donc indispensable de limiter les apports de chaleur.

Comment agir ? La solution n’est pas de refuser l’isolation, qui apporte un vrai confort l’hiver. Il s’agit de construire un projet intelligent, en fonction de l’étude thermique, du budget et des diagnostics. En milieu urbain, il est par exemple pertinent :

  • D’isoler un mur nord, déperditif.
  • D’apporter une correction thermique type enduit, qui va contrer l’effet de paroi froide tout en conservant l’inertie des parois, sur les murs de refend (ou les murs au Sud).
  • D’isoler les toitures avec un matériau dense, qui va apporter de l’inertie et contrer le rayonnement intense sur les tuiles.
  • De garantir une bonne ventilation sous tuile pour évacuer la chaleur.
     

b) Les protections solaires :

La pose de protections solaires permet de limiter les apports thermiques directs au sein des logements. Elles doivent être intégrées dans tous les projets de rénovation et sont indispensables lors de la pose d’une isolation thermique par l’intérieur.

Comment agir ? Même en secteur sauvegardé, il est possible de mettre en place des volets ou des stores qui ne dénaturent pas la cohérence de la façade, et garantissent un bon confort d’été. Des volets bois à persiennes aux stores bannes, plusieurs solutions existent et s’adaptent aux menuiseries anciennes. Seule exception, les fenêtres médiévales. Dans ce cas, la protection sera nécessairement intérieure ou un filtre spécifique sur les vitrages ! La proposition de mise en place de protections solaires doit être réalisée avec un professionnel spécialisé (architecte, architecte du patrimoine, CAUE) et aboutira à une demande d’autorisation. La description de la solution doit donc être suffisamment détaillée et précise pour aboutir à un accord sur la technique et les éléments à mettre en place qui seront visibles depuis l’espace public.

Troisième levier, les actions à d’autres échelles

L’adaptation au changement climatique se joue aussi sur des échelles territoriales. Les phénomènes d’îlots de chaleur urbains (ICU) en particulier sont à prendre en compte. Des actions simples doivent être menées à l’échelle des parcelles, des quartiers et des territoires métropolitains.

a) Création de balcons :

En milieu urbain, rares sont les bâtiments anciens qui possèdent des balcons. Pourtant, bien orientés, ils constituent un gain qualitatif pour le logement. Les balcons peuvent ainsi permettre de créer des avancées générant de l’ombre en été.

Végétalisés, ces auvents peuvent également participer au rafraîchissement de la parcelle, tout en apportant le confort de disposer d’un espace extérieur. Balcons et patrimoine sont compatibles !
 

b) Végétalisation des parcelles – les trames vertes :

L’un des premiers moyens de lutter contre les îlots de chaleur urbains, et de manière plus directe, de rafraîchir son environnement, est de développer la présence de végétaux (arbres, parcelles végétalisées, parcs) et de désimperméabiliser les sols en opposition à une habitude de minéralisation des villes et d’imperméabilisation croissante. À savoir : c’est le phénomène d’évaporation de l’eau qui consomme de l’énergie pour passer de l’état liquide à l’état gazeux. Lorsque l’eau s’évapore sans apport de chaleur (gaz, électricité…) elle prend l’énergie nécessaire dans l’air environnant, qui se refroidit.

La présence d’arbres va apporter de l’ombre en été, oxygéner l’air, protéger des poussières et fixer le carbone, et va également permettre de rafraîchir l’environnement immédiat par évapotranspiration.

c) Présence d’eau – les trames bleues :

D’une façon légèrement similaire à la présence de végétaux, la présence d’eau va participer au confort d’été dans les centres urbains en apportant de l’humidité dans l’air et en participant à une partie de l’évaporation.

d) Nature des matériaux et revêtements :

La nature des revêtements et leurs couleurs ont également un impact sur la gestion des rayonnements, de la chaleur absorbée et transmise : c’est leur albédo. Favoriser les surfaces claires, qui vont réfléchir la lumière et donc la chaleur. Ce choix compte dans les revêtements de sol dans le logement, mais également dans les revêtements des rues, des ruelles et des parkings dans les villes d’aujourd’hui.

La rénovation d’une cour intérieure par exemple doit se faire avec une réflexion complète sur la possibilité de végétaliser, d’aménager et de proposer une finition adaptée au climat et à ses évolutions futures.

Un équilibre est à trouver pour limiter la réverbération et l’absorption de la lumière et de sa chaleur. La végétalisation, en apportant de l’ombre, permet de limiter la transmission aux bâtiments alentour en été, tout en la rendant possible en hiver.
 

e) La « non-solution » – la climatisation

La pose de climatiseur est à proscrire systématiquement :

  • Leur fonctionnement, rafraîchissement par extraction de chaleur d’un côté et rejet de la chaleur d’un autre côté, participent aux îlots de chaleur urbains et à l’inconfort contre lequel ils sont censés lutter.
  • Leur fonctionnement nécessite un apport d’énergie primaire conséquent et continu l’été, et ne participe pas à la réduction de la consommation d’énergie.
  • Leur intégration est complexe et incompatible avec la réglementation urbaine en vigueur.


Conclusion

Il est possible d’agir à plusieurs échelles afin de conserver des températures ressenties confortables en été dans le bâti ancien dans les centres-bourgs et centres-villes de Bourgogne-Franche-Comté. L’échelle du logement, celle de la parcelle, puis celle de la ville sont complémentaires et doivent être cohérentes.
Un ensemble de mesures à l’échelle collective encourage le développement de mesures à d’autres échelles puis l’apparition de mesures transcalaires et efficientes.

Pour aller plus loin :

  • Le CAUE 75 a mené une expérimentation en transformant des cours d’école en « oasis », pour le bonheur des enfants, avec des effets concrets et quantifiés sur le confort d’été. Découvrez la publication : https://www.caue75.fr/media/download/11925
  • Perrin Guillaume, Rafraîchissement urbain et confort d’été ; lutter contre les canicules, Paris, Éditions Dunod, 2020. Ouvrage complet et accessible pour comprendre les problématiques du confort d’été.
  • Salomon Thierry et Aubert Claude, Fraîcheur sans clim’ : le guide des alternatives écologiques, Mens, Éditions Terre Vivante, 2004.

1 Une avancée ou auvent réduit aussi les apports de lumière naturelle et de chaleur en hiver, sauf à être bien dimensionnée en fonction de l’évolution de la course du soleil. - Retour